Le taux de service, plus connu sous l’appellation anglo-saxonne de « service level » est un concept récurrent utilisé dans (probablement) toutes les organisations.
Qu’il soit géré en interne par les équipes Supply Chain, ou suivi contractuellement lorsqu’il lie deux entreprises entre elles par des obligations de résultats ; il joue dans tous les cas un rôle de « thermomètre » : il permet de prendre la température et de statuer sur le niveau de performance d’une organisation.
Ainsi, nous tâcherons de revenir sur les principes fondamentaux qui définissent ce taux de service, pour ensuite évoquer l’intérêt d’en adapter la mesure en fonction des typologies de produits & de clients.
Qu’est-ce que le taux de service ?
Le taux de service est un indicateur phare de la logistique, et plus largement de la Supply Chain.
D’un point de vue purement conceptuel, il correspond au « pourcentage de produits livrés à temps dans les références et quantités requises, par rapport à la demande exprimée par le client ». En d’autres termes, il permet de mesurer le niveau de satisfaction de la demande client par rapport à son attente initiale.
Par ailleurs, le taux de service peut être mesuré ou adapté à différents environnements : d’un point de vue « usine », il pourra correspondre à la mise à disposition des produits fabriqués sur le quai de chargement des camions ; quand, d’un point de vue plus global, un taux de service « complet », pourra lui inclure le transport, international ou non, et la gestion du «last mile » ou dernier kilomètre qui mène aux portes de l’entrepôt du client par exemple.
Ce qui importe donc, c’est la satisfaction de critères préalablement définis par le client, soit la mise à disposition de références particulières, dans une quantité définie et dans un délai requis, ainsi qu’à un niveau de qualité satisfaisant.pour inscrire les résultats de cette transformation dans la durée.
Comment le taux de service doit-il être déterminé par l’entreprise ?
Il existe plusieurs éléments à prendre en considération avant de définir un taux de service cible ou de se fixer des objectifs irréalisables (ou inutiles !).
Tout d’abord, atteindre 100% de taux de service est impossible, mais encore, cela va à l’encontre du souci de rentabilité de toute entreprise : des aléas surviendront toujours, et la volonté d’y pallier à tout prix a justement un coût exorbitant. Il se matérialisera par des niveaux de stocks élevés sur de multiples références, une gestion en pompier d’incidents qui est toujours plus onéreuse que l’accomplissement d’un processus standard.
Ensuite, il n’est de toutes façons pas utile de vouloir atteindre un taux de service maximum sur tous les clients et / ou sur tous les produits ! Cela dépend bien évidemment de la criticité du rapport entretenu par l’entreprise avec le client et les produits concernés.
Un produit A, à forte valeur ajoutée en production et critique chez le client nécessitera plus de vigilance et d’efforts qu’un produit C peu coûteux, substituable, voir accessoire.
Ce taux de service dépendrait donc d’une analyse de type « coût / opportunité » qui serait applicable pour définir ou mesurer un taux de service cible.
En clair, les derniers 20% de chiffre d’affaires solliciteront 80% des coûts logistiques. Il s’agira donc de gérer le compromis et de faire, ou non, des sacrifices, en fonction du rôle que joue le client dans le portefeuille global de l’entreprise.
Taux de service & différenciation
Nous sommes clairs sur le fait que tous les produits ne participent pas de façon égale à la rentabilité de l’entreprise, et que pour cette raison un suivi de leurs coûts basé sur des considérations économiques (telle que la contribution au chiffre d’affaires) peut être justifié. Il s’agit donc d’être en mesure, à la vue du catalogue produits, de pouvoir faire la distinction entre produits rentables et ceux qui ne le sont pas, ou moins.
C’est le principe de Pareto, ou des 80% / 20% évoqué plus tôt :
Typiquement, 20% des produits représentent 80% du volume de chiffre d’affaires total (produits de catégorie A), les 30% suivant s’élèvent à hauteur de 15% des ventes (produits B) et les 50% restant pour 5% du volume. On parle alors de classification ABC.
De fait, un taux de service très élevé, sur tous les produits, impliquera un coût important et croissant pour l’entreprise. Il s’agit alors de pouvoir établir un classement produits rationnels, ainsi de pouvoir considérer le taux de service approprié pour une rentabilité maximale permettant donc d’allouer des budgets ou de gérer au mieux les coûts logistiques.
Pour cela, et en complément d’une analyse ABC, il peut être intéressant pour l’entreprise désireuse d’ajuster son taux de service, de réaliser une analyse de « l’attractivité client » (source : J.Huiskonen – 2003). Il s’agit tout simplement de mesurer l’importance relative des différents clients de l’entreprise dans son activité, et qui peuvent être caractérisés comme suit :
*Matrice d’attractivité client
– Les « nouvelles opportunités » sont des acheteurs occasionnels. L’entreprise peut cependant espérer augmenter le chiffre d’affaires qui leur est associé en offrant un meilleur taux de service.
– Les « utilisateurs » sont des clients qui achètent en gros volumes, auprès de plusieurs fournisseurs. Des améliorations peuvent donc permettre d’augmenter la participation de l’entreprise à leurs achats.
– Les « partenaires » sont des clients avec lesquels l’entreprise a pu acquérir une position de fournisseur privilégié. Il s’agit donc, au minimum, de stabiliser le taux de service associé à ces clients pour maintenir une relation stable & durable.
– Les « coups de chance » sont des petits clients, réalisant de petits achats et n’offrant que de petites opportunités de développement.
Les efforts qui leurs sont liés sont donc très relatifs en comparaison des autres catégories de clients présentes dans le tableau.
Ainsi, l’intérêt de la mise en relation de l’attractivité client, par le biais d’une matrice de ce type, avec une analyse produit ABC permet de définir un taux de service basé autant sur l’importance du client que la typologie de produit concernée. Cela permet de s’assurer de l’adéquation entre le niveau du taux de service et l’importance du client. In fine, des efforts & ressources logistiques plus importants vont être alloués aux clients à rentabilité et potentiel de développement supérieur pour ainsi en maximiser les gains.
Se pose alors la question de la légitimité des grands projets d’entreprise de type “objectif taux de service = 95%”, qui, sur le papier, laissent présager des améliorations réelles des conditions de mise à disposition auprès des clients, mais souvent peuvent en réalité dissimuler de grandes disparités en interne.
Pierre-Yves Le Bourthe
Consultant Citwell