Search
Close this search box.

DDMRP va-t-il tuer les APS actuels ? Dois-je en changer ?

En accompagnant des projets DDMRP dans tout type de structure,
on peut constater que la question de la bonne architecture fonctionnelle des systèmes d’information se pose systématiquement.

Dans les ETI, la démarche Demand Driven Adaptative System a un triple effet bénéfique :

  • Elle offre des résultats reconnus en termes de qualité de service, de baisse des stocks et de stabilisation de la chaîne logistique en général.
  • Elle vient pallier un manque d’outillage pour gérer la planification de la Supply Chain dans un environnement variable, notamment l’anticipation capacitaire et l’ajustement des niveaux de stock.
  • Elle supprime l’effet « boîte noire » des modules dédiés des ERP et APS, permettant de parler d’objectifs de performance partagés et de visualiser les écarts.

La mise en place d’un outil dédié en complément de l’ERP, est donc assez facilement acceptée par les équipes de direction.

Dans les grandes entreprises, cependant, l’environnement est plus complexe. La plupart sont déjà équipées d’un APS ou d’un module spécialisé de leur ERP. Il couvre tout ou partie de la chaîne de planification de l’entreprise : les prévisions de ventes collaboratives, le S&OP (souvent multi-sites), en passant par DRP sur les filiales, PDP et ordonnancement multi-niveau des sites de production.

Une fois passée la phase pilote, en général sur un outil un peu déconnecté du système d’information central, comment passe-t-on au déploiement ? Où commence, où s’arrête la démarche Demand Driven Adaptative System ? Faut-il jeter son APS à la poubelle ? N’y a-t-il pas des redondances, ou des incompatibilités totales entre les démarches ?

Etudions les différentes composantes du système adaptatif tiré par la demande pour en identifier les composantes réellement spécifiques, et analyser si elles vont à l’encontre –ou pas- du fonctionnement des APS actuels.

Une démarche de positionnement et de dimensionnement des stocks transparente qui fait disparaître les « boîtes noires »

Où positionner mes stocks et comment les dimensionner est une question clé pour toute entreprise. Elle a un impact sur le délai offert au client, sur la sérénité des flux mais aussi directement sur le résultat de l’entreprise. La problématique devrait donc être comprise à tous les niveaux, et les façons d’y répondre partageables auprès de tous les opérationnels de la Supply Chain (achats & finance compris).

Les briques « d’optimisation avancées des stocks » des APS utilisent des approches algorithmiques pour évaluer les gains sur le stock, avec un suivi mathématique et statistique du plus d’informations possibles et un solveur d’optimisation. Cela débouche sur des solutions aux calculs complexes, maîtrisées par seulement quelques acteurs-clés dans l’organisation.

Avec DDMRP, la méthodologie prévoit ce « où, comment et combien » positionner les stocks pour obtenir les meilleurs résultats. Une simulation simple, systémique et heuristique, déjà incluse dans la plupart des outils DDMRP, permet d’obtenir ces notions. L’appropriation par les équipes en est grandement facilitée.

Bien sûr, plus la nomenclature est profonde, plus l’histoire se complique, et plus la tendance serait à revenir à des solveurs mathématiques qui trouvent la « meilleure réponse ». Ce serait re-tomber dans les travers de la « boîte noire » et nier la nécessité de maîtrise des opérationnels sur le sujet (on ne peut maîtriser l’approche globale de flux sans s’approprier cette étape).

Plutôt que de chercher longtemps un optimum discutable, la bonne attitude (très américaine) consiste à positionner les stocks au mieux du processus industriel et à essayer…  Dès lors, l’apport de méthodologies de pilotes associées à lexpertise d’un consultant métier reste préconisé.

Une chose est claire, le MRP, qui rend tous les besoins dépendants à partir d’une demande et de ressources supposées assez fiables, qui a fait les beaux jours des ERP, ne répond plus aux besoins d’agilité des supply-chain d’aujourd’hui (le fameux VUCA). Les prévisions étant souvent très fausses et les processus pas toujours fiables, se baser sur celles-ci peut mener à des situations critiques de ruptures ou de surstocks.

Tenter de créer des prévisions de vente court terme et au niveau unitaire à grand renfort d’algorithme statistique devient un processus coûteux et inefficace : avec le réel amortisseur créé par les buffers de stock, la moyenne mobile suffit en général largement, si on lui ajoute la prise en compte de la saisonnalité et des grandes tendances de cycle de vie. C’est le principe du calcul de la CMJ dans DDMRP et de l’identification soigneuse des variations de la demande.

Egalement, le DDMRP, en découplant les besoins, apporte réactivité et sécurité tout en baissant les niveaux de stock : l’approvisionnement  en matières premières et composants est bien plus efficace avec l’équation des flux qu’avec les fonctionnements embarqués dans les outils actuels, où les erreurs de prévision se traduisent en proposition de recalage des commandes fournisseurs et des ordres de fabrication.

Dans la distribution vers un réseau aval (entrepôts locaux, magasins), la même logique s’applique : plus besoin de prévisions détaillées, si mes capacités amont sont bien dimensionnées, les buffers de stock s’ajustent à la demande. Les fonctionnalités d’exécution du DRP ne s’appliquent plus (plus de push). Il s’agit toutefois de piloter des buffers d’anticipation du flux poussé pour gérer les périodes promotionnelles ou totalement saisonnières (voir plus loin).

Un système de priorisation clair, partagé par tous et très simple = la force de l’exécution

En faisant la synthèse intelligente des différentes théories de gestion des flux industriels (Théorie des Contraintes, Six Sigma, Lean, MRP et DRP), le DDMRP fait sien l’aspect visuel de la Théorie des Contraintes.

Avec les alertes visuelles sur le stock disponible et la « consommation* » des buffers, on obtient un principe d’ordonnancement vraiment simple à comprendre et à mettre en œuvre, mais également très puissant. En effet, il est applicable dans toute l’organisation : l’utilisateur sait très facilement prioriser ses ordres, qu’ils soient d’approvisionnement, de réapprovisionnement du réseau de distribution, ou d’ordonnancement de chacun des postes de charge dans une usine.

C’est là une des plus grande force de DDMRP, qui met un grand coup aux systèmes APS existants : basés pour la plupart sur le MRP, ils doivent souvent inventer leurs propres méthodes pour arriver à en tirer une priorisation à peu près claire, jamais vraiment suffisante pour les planificateurs  et approvisionneurs. Pis, les règles changent à chaque niveau de l’organisation.

Les éditeurs DDMRP étant très réactifs, ils intègrent petit à petit les réflexions liées à certaines contraintes d’ordonnancementtelles que les séquencements pour limiter les temps de nettoyage. De plus, la méthodologie ayant pour but la protection du flux, les réflexions uniquement focalisées sur l’optimisation du TRS par poste de charge n’ont plus court. Tout au plus va-t-on le surveiller sur le poste goulot. L’utilisation des « points de contrôles » de la TOC (Theory of Constraints) permet alors de répondre à ces besoins. Le découplage de la nomenclature simplifie aussi l’ordonnancement multi-niveaux. Voilà tout un tas de problématiques souvent à l’origine de projets d’outils spécialisés en ordonnancement qui sont remises en question. En effet, l’objectif des outils d’ordonnancement était d’aider à réagir à des urgences ou ruptures dans une logique de flux poussé où les stocks intermédiaires étaient mal définis et maîtrisés. DDMRP donne confiance dans l’équilibrage de ces stocks et réduit considérablement les encours et les délais de fabrication.

Gageons donc que d’ici à 10 ans le marché de l’ordonnancement se sera profondément transformé, et que la reconfiguration de ce marché fera naître de nouveaux acteurs DDMRP !

L’APS n’est pas mort pour le moyen terme et la collaboration

Cependant n’enterrons pas trop vite les solutions du marché des APS. Elles ont une avance incontestable dans des domaines indispensables que les nouveaux venus vont mettre des années à combler :

  • Les APS savent aujourd’hui gérer de très grandes quantités de données, et ont un véritable savoir-faire sur le partage d’une vision unifiée multi-niveaux, avec des mailles de restitutions adaptées : passer de la référence à la famille, de la vision hebdomadaire à la vision mensuelle, agrégation et désagrégation, etc.
  • La collaboration autour de la gestion de la demande et du processus (DD)S&OP, avec des outils faits pour créer des versioning, des scénarios, tracer des modifications multiples et multi-utilisateurs tout en donnant un rendu clair et ergonomique.
  • L’aide au dimensionnement des anticipations promotionnelles (/prévisions), à travers des modèles « statistiques » ou la possibilité de réappliquer des profils pré-enregistrés : ils peuvent être une précieuse aide au calcul de la CMJ ou des facteurs d’ajustement de la demande, prégnants notamment en distribution.

Aujourd’hui les outils Demand Driven n’ont pas ciblé les deux premiers domaines mais devront progressivement intégrer des modules évolués pour calculer une demande réaliste et différenciée selon les canaux, les périodes et les territoires.

Quant au troisième point, il devrait être développé rapidement pour que DDMRP se répande dans les environnements Retail.

Sur ce périmètre, il manque cependant encore aux APS la possibilité d’aligner leur reporting sur la réflexion « flux » / théorie des contraintes : on considère un plan « acceptable » / vert quand les postes de charges goulot ne sont pas trop chargés et pas quand on est à plus de 90% de charge par exemple.

Il y a encore de la place pour tous, mais l’agilité dictera les gagnants de demain

Au final, l’équation est la même pour les éditeurs de software que pour nos Supply-Chain : il faut être agile, réagir très vite, quitte à abandonner quelques pistes au fur et à mesure (Act Fast, Fail Fast).

  • Les APS actuels, avec leur structure de développement et leur culture de l’amélioration continue sont capables de prendre très vite un virage Demand Driven, qui a l’avantage d’être une méthodologie assez simple… si tant est que leur architecture système le leur permette, et que les dirigeants soient convaincus
  • Les outils Demand Driven eux, n’ont d’autre choix que de se développer, ils viendront donc rapidement jouer sur les chasses encore gardées des APS. Mais les impacts sont importants et cela se fera sur plusieurs années.

En synthèse, ne jetez pas votre APS… mais restreignez leur périmètre d’utilisation, démarrez des pilotes DDMRP et surveillez l’évolution du marché !

Il n’y a donc pas UN acteur qui puisse équiper l’intégralité des processus d’exécution et de planification supply chain des grandes entreprises tout en faisant profiter des formidables potentiels libérés par la démarche DDMRP.

En attendant que ce marché soit mûr, nous vous conseillons le mix suivant pour quelques années :

  • Un outil spécifique DDMRP sur l’exécution / la planification court terme
  • Un APS « classique » sur le S&OP et / ou la gestion de la demande moyen terme
Figure 2 – Là ou les outils DDMRP interviennent… déjà !

* principe du calcul de pénétration des buffers DDMRP, pour ceux qui parlent déjà le langage consacré !

Anaïs Leblanc
Manager Citwell