DDMRP se répand à un rythme important au sein des entreprises. Grands groupes, ETI, PME, tous sont intéressés par les résultats significatifs et la possibilité de transformer leur Supply Chain. Le marché est cependant en train d’évoluer, commençant à se structurer et devenant plus mature.
Anaïs Leblanc, Directrice chez Citwell, en charge de la practice Demand Driven, répond à nos questions.
Anaïs Leblanc,
Directrice,
Citwell
Pouvez-vous en quelques mots décrire ce qu’est DDMRP ?
Anaïs Leblanc : Pour faire simple, Demand Driven est une méthodologie qui change la vision et l’approche du pilotage de la Supply Chain. Dans la brique opérationnelle, le « DDMRP », le positionnement de « buffers » à des endroits stratégiques et un pilotage en flux tirés, accompagné d’un mode de calcul intelligent, permet d’enfin généraliser la logique de flux tiré à l’ensemble des maillons de la chaîne. C’est le meilleur des mondes entre la théorie des contraintes, le lean et la vision « tour de contrôle » du MRP II.
Quels sont les avantages à mettre en place Demand Driven ?
A. L. : Les avantages principaux sont la réduction des Lead Times, la hausse du taux de service, la baisse du stock et la diminution drastique du temps de gestion et de planification.
Cela ressemble à une formule miracle…
A. L. : Au démarrage, quand nous avons découvert cette méthodologie en 2013, au tout début de son apparition en Europe, nous étions également circonspects devant tant de promesses. Depuis, Citwell a réalisé plus de 50 projets Demand Driven chez des clients de tous les secteurs et de toutes tailles, du pilote au déploiement global. Le fait est que les résultats chez l’ensemble de nos clients sont majeurs et vont toujours dans le même sens.
50 projets, cela commence à faire pour une méthodologie nouvelle. Voyez-vous une évolution dans les besoins de vos clients ?
A. L. : 50 projets, c’est selon moi la preuve que nos clients nous font confiance dans notre capacité à déployer DDMRP et à ensuite étendre le modèle à toute l’entreprise via le DDAE . En effet, ceux qui sont restés sur la critique – valide en 2015 – comme quoi DDMRP est « myope » et ne permet pas d’anticiper, ont raté le train du DDAE et de la refonte des pratiques d’anticipation capacitaire et de projection des besoins (capacités, espace, BFR, autre). Mais les professionnels en veille ne s’y trompent pas : nos clients cherchent un cabinet de conseil qui connaît parfaitement la méthodologie et la philosophie associée, à tous les horizons, mais qui sache également adapter l’organisation et les processus Supply Chain et IT à ce changement.
Le marché évolue cependant. Il est à noter que les projets standards passent de pilotes, pour tester la méthodologie, à de vraies premières implémentations, intégrant une forte dimension IT et donc outil pour soutenir DDMRP et préparer dès le démarrage un déploiement à l’ensemble de la Supply Chain.
Pourquoi selon vous cette évolution ?
A. L. : Il y a 3 raisons majeures à cela.
> La première est le fait que le marché devient plus mature : la méthodologie commence à se déployer et beaucoup de gens savent en parler.
> La seconde vient des résultats de l’ensemble des mises en place. Ils sont quasi tous excellents, nous n’avons plus besoin de montrer qu’il y aura des gains significatifs : de plus en plus souvent, nos interlocuteurs en sont convaincus avant même de commencer. Quelle évolution par rapport à 2013 !
> La troisième et non des moindres est simple : les sujets Demand Driven sont soutenus par un outil IT pour synchroniser l’ensemble de la chaîne, et ces outils sont de plus en plus matures. Là où il était logique « d’apprendre avec ce que l’outil sait faire » il y a encore deux ou trois ans, il faut maintenant potentiellement réellement définir les limites et les possibilités du projet : les outils sont quasiment aussi riches que les APS historiques, et les APS historiques se mettent à DD. Personne ne mettrait en place un outil d’ordonnancement à capacité contrainte ou de gestion des stocks multi-niveaux mondial sans vouloir, dès le début, faire en sorte que tout s’intègre au mieux pour ne pas perdre du temps entre le premier périmètre et un potentiel déploiement. Avec DD, on fait les deux en même temps, avec des outils de plus en plus robustes, donc on se rapproche de tailles de projets classiques. Sauf chez quelques-uns, de plus en plus rares, qui arrivent à avoir suffisamment de rigueur en interne pour réellement vouloir tester « juste pour voir » et qui sont donc capables d’aller très vite à l’implémentation, sans aller chercher toutes les potentialités de l’outil choisi.
Qu’est-ce que DDMRP va changer ?A. L. : Il est difficile de lister la totalité des changements. Une amélioration des résultats bottom-line de l’entreprise, une plus grande sérénité dans la planification une fois le changement bien entériné, une meilleure coordination entre les services (y compris finance, marketing) en « tuant » à terme les objectifs créant des conflits… Tout ça évidemment va faire évoluer les attendus et types de métier : d’abord dans les opérations, mais à terme aussi en finance, en innovation, en marketing. Mais avant de se projeter si loin, revenons au début : au niveau des clients, les gains sont majeurs sur la qualité de service et nous avons la conviction que Demand Driven va devenir la référence de la Supply Chain dans quelques années. D’ailleurs nous ne sommes pas les seuls : 75% des participants qui ont assisté à la dernière table ronde organisée par Citwell, pensent que le Demand Driven deviendra dans 5 ans, un des standards de la Supply Chain.
Au niveau des Systèmes d’Information également, les changements finiront par être fondamentaux. Les ERP vont adapter leurs modes de fonctionnement et le marché des APS va significativement changer. Je vous invite d’ailleurs à consulter ces articles :
– DDMRP va-t-il tuer les APS actuels ? Dois-je en changer ?
– DDMRP : la réconciliation se produira avec MRP2 et Demand Driven deviendra le standard de la planification Supply Chain
La collaboration avec le commerce et le marketing deviendra clef dans l’architecture, en lien avec les projets CRM par exemple. Et ce, à tous les horizons : en prévision bien sûr, mais en suivi de l’exécution et réactivité court terme également ! De l’autre côté du spectre, le besoin de MES va évoluer pour se centrer sur quelques points clefs dépendant du flux. La DSI a besoin d’être formée pour comprendre l’agilité qui est nécessaire de leur part pour s’adapter à la réalité opérationnelle de l’entreprise. C’est d’ailleurs un bonheur de voir l’étoile s’allumer dans les yeux des responsables des architectures quand ils comprennent la réalité de la systémique de leur entreprise.
Un conseil pour ceux qui voudraient se lancer dans un projet DDMRP ?A. L. : Je dirais qu’il faut que plusieurs conditions soient réunies.
> En 1, on ne le répètera jamais assez : un sponsorship de haut niveau, et constant. La transformation est totale et concerne un nombre important de services, il faut se donner les moyens de la toucher du doigt.
> En 2, une équipe projet dédiée qui servira ensuite au déploiement.
> En 3, un chef de projet convaincu, qui ne se laissera pas arrêter par les doutes passagers de chacun et saura répondre à leurs problèmes en douceur.
> En 4, s’entourer d’experts avec une vraie expérience pour profiter des meilleures pratiques et éviter les pièges. Et pousser à redresser la barre si (quand !) le projet dérive et la conduite du changement –absolument critique au vu du changement de paradigme- montre des signes de faiblesse.
> Et en 5 pour finir, se préparer à changer de mode de pensée. Des jeux pédagogiques, comme DDBRIX, sont un bon moyen de toucher du doigt ce changement. Les formations sont indispensables.
Un mot pour convaincre ?
A. L. : on est en train de vivre une vraie évolution des pratiques comme il n’y en n’avait pas eu depuis 30 ans en synchronisation des services et des géographies, du même acabit que l’automatisation l’a été pour la logistique entrepôt, ou l’IoT pour le tracking du transport (d’ailleurs tout cela vit très bien ensemble). Quand on y met le petit doigt, on comprend qu’on vit un moment important et qu’on n’aura pas assez de toute une vie professionnelle pour tirer l’intégralité des conséquences de ce qui se dessine. C’est très excitant et vraiment, vraiment passionnant pour tout professionnel qui se respecte. Plongez-y !